Dans une ruelle pavée du Trastevere, où les murs écaillés racontent encore les fièvres de Rome, Glass Hostaria s’avance comme une exception : une architecture contemporaine déployée dans le chaos pittoresque, et une cuisine d’auteur délibérément en marge par la chef étoilée et originale Cristina Bowerman. Nous y avons dîné un soir de printemps, invités par la maison, et ce que nous y avons découvert relève plus du manifeste que du simple repas. Playboy ne peut que vous encourager à vous y rendre, surtout si vous visitez Rome en amoureux !

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Mise en bouche : trois gestes d’ouverture

La soirée s’est ouverte sur un triptyque d’amuse-bouches présenté sur une assiette réhaussée et texturée couleur rouille, presque minérale. Toutes les vaisselles étaient d’ailleurs magnifiques ! Un falafel sombre ponctué d’œufs de poisson, un sablé au fromage tranchant, et un petit gâteau au paprika à la densité parfaitement maîtrisée. Trois bouchées, trois climats. Une ouverture qui affiche d’emblée un refus de la fadeur. Accompagné d’un champagne grand cru, c’était idéal !

Une chantilly d’huile d’olive : la maîtrise détourée

Vient ensuite un petit accompagnement qui joue avec les conventions : une chantilly d’huile d’olive, servie dans une porcelaine à liseré doré, accompagnée de pain. Le contraste entre le gras crémeux et l’éclat salin, entre la douceur lactée et la vivacité de l’huile, fonctionne pleinement. Il y a ici un clin d’œil, un trompe-l’attente, mais sans jamais renoncer à la technique mystérieuse qui permet à cette chantilly qui se transforme en liquide sur la langue…

Verts francs et profondeur : pistache, pois, noisettes

La crème pistache et petits pois qui suit est une pièce de saison, construite sur des équilibres très fins. Le vert domine, mais n’étouffe pas. Des noisettes concassées, quelques légumes croquants, une base à la fois onctueuse et légère. L’ensemble se tient, sans maniérisme.

Sashimi et huile verte : murmure opalescent

Un sashimi très tendre, nappé d’une huile herbacée, s’avance sans fracas. On pourrait le croire simple, mais il exige une attention précise. La texture est admirablement respectée. Un jus clair légèrement lacté renforce l’impression d’épure. C’est une pause, un souffle. Le poisson est si tendre qu’il semble en mousse.

Champignons : cuir, terre, intensité

Les champignons qui arrivent ensuite sont presque carnés. Ils ont été saisis, confits, étirés comme une viande patiente. La sauce est blanche, émaillée de vert. Le goût, lui, est profond, sans être rustique. Une assiette qui appelle le silence qu’on ressent quand, soudain, quelque chose qu’on pensait détester, quelque chose qu’on a détesté, nous apparaît appréciable.

Le sommet : raviolis au parmesan et truffe noire

Deux raviolis jaunes, nimbés de truffe noire fraîchement râpée, viennent ponctuer la première partie du repas avec une perfection absolue. Le parmesan y est surpuissant mais nuancé, il explose de l’intérieur ; la truffe, bien qu’opulente, est discrète et n’a pas le goût affreux des espèces d’huile utilisée dans les restaurants bas de gamme. L’ensemble touche une forme d’évidence : tout est juste.

Canard, cerise et laitue au feu

Le canard, parfaitement cuit, arrive accompagné d’une laitue grillée, presque brûlée, et d’une sauce à la cerise noire. Le sucré ne domine pas, mais souligne. La laitue évoque le feu de bois, la sauce l’acidité maîtrisée. L’ensemble est pensé comme une chair et son écho.

Trompe-l’œil, dulce de leche et « maïs »

Le dessert joue la carte du trompe-l’œil, avec un épi de maïs stylisé qui est en fait du fruit de la passion, une glace, un pop-corn, une sauce caramélisée. Le plat est esthétique, complexe, ludique. Il y a du contraste, de la texture, du chaud-froid, du croquant, du fondant. Une conclusion qui ne relâche rien.

Final : thé, mignardises, précision jusqu’au bout

Enfin, un service de mignardises accompagnant un thé servi dans une théière en fonte. Petits choux, pâtes de fruits, éclairs miniatures. Grazie !


Service et cave : au diapason

Le service est discret, mesuré, fluide, poli, beau. Il accompagne sans interrompre, explique sans peser. Les accords mets-vins suivent une ligne très sûre, sans jamais forcer. Les choix, souvent italiens, osent quelques textures inattendues, avec une belle cohérence d’ensemble.


Une cuisine de conviction

Glass Hostaria n’est pas un restaurant comme les autres. Il n’essaie pas de plaire. Il affirme. Il propose une cuisine de geste et de vision, structurée, affirmée, mais jamais arrogante. Chez Cristina Bowerman, le produit n’est jamais prétexte. Il est point de départ. Le reste n’est qu’élaboration rigoureuse. Ce que nous avons vécu relève autant de l’architecture que du goût : un mélange de tension et de délicatesse, de maîtrise et de prises de risques. Une soirée à part, dans un lieu qui mérite plus qu’un passage : une véritable expérience d’auteur. Merci !